La cargaison

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Die Fracht  -  The Freight

1998

1 video channel

6 audio channels

2 video projectors

La Cargaison, CEAAC, Strasbourg 1998, Animation

CEAAC, Strasbourg 1998

Dans la pièce obscure de la salle d'exposition, un parallélépipède brun remplit presque tout le centre du rez-de-chaussée. Il impose un plein là où devrait être le vide, un bloc là où devrait s'ouvrir un parcours. Impossible de circuler : le dispositif fait tout à la fois obstacle à la vue et au déplacement.

L'accès à l'installation nécessite pour ainsi dire un abordage, une prise de flanc. Plutôt que d'y pénétrer, il s'agira de longer la paroi lisse des cartons. La vision est empêchée, et la limite de l'obscurité est elle-même impalpable : les ténèbres ne caractérisent pas seulement l'espace dans lequel est installée la pièce; l'obscurité vaut tout autant comme un élément de l'oeuvre elle-même. 

Puisqu'il est si difficile de voir, il faut se concentrer davantage sur les sons. Ce report de la vue vers l'ouïe transforme la réalité apparemment sans mystère, sans accroche aucune, qu'est la surface neutre des cartons.

En bas, en haut, dedans : alors qu'en dessous de nous, le vrombissement d'un moteur monte de la cave à intervalles irréguliers, que d'en haut le cri strident d'un oiseau et l'avertissement d'une corne de brume déchirent l'espace de loin en loin, un bruit d'eau nous parvient sans que nous puissions tout de suite le localiser. 

Tous les sons ont à voir avec le milieu maritime; leur agencement cristallise l'espace du grand large. Mais alors, où circulons-nous depuis le début, sinon dans les cales d'un cargo? S'appuyant sur les éléments d'architecture - les arêtes et les poutrelles en fer, la rambarde à l'étage - l'installation a transformé la salle en un bâtiment naval. Et ces cartons empilés au centre de l'espace? C'est la cargaison que transporte le navire. 

Le désir de voir ce que recèlent les parois opaques de la cargaison, le désir de localiser d'où viennent les bruits d'eau sont autant de motivations pour monter sur le pont afin de regarder au fond de la fosse. On monte donc, non pour accomplir une quelconque ascension (pour chercher ce qu'il y aurait au-delà de la matérialité de l'oeuvre), mais pour voir ce qu'il y a en bas, de l'autre côté de la paroi.

Penché à la rambarde on voit alors, dans les profondeurs du puits formé par la hauteur des cartons, une image mobile et changeante de liquides qui évoque la mer dans ses différents états.


▶︎▶︎ Antonia Birnbaum
in catalogue La Cargaison, CEAAC Strasbourg 1998

La Cargaison, CEAAC, Strasbourg 1998, 3D Skizze
La Cargaison, CEAAC, Strasbourg 1998, 3D Skizze